TRIGGER WARNING : Chapitre 1 (grossesse, perversion, tentative d'agression sexuelle, mort, enlèvement); Chapitre 2 (Peur irrationnelle, mort, suicide, dépression); Chapitre 3 (deuil, mort, pompes funèbres);
† “Call no man happy until he is dead.” †Déméter la secrète. Déesse féconde, la honte la prend à la gorge lorsque son ventre s’arrondi. Zeus, dieu aux multiples conquêtes est le père. Elle se cache alors sur Terre, dans les jardins qu’elle proclame les siens. Nymphes pour compagnes, elle se consacre à sa passion et fonction, celle de la terre.
Déméter est célèbre pour son talent à faire pousser les graines les plus récalcitrantes. Mère de la Terre, elle inonde le sol de son amour, de sa patience et de son excellence. Elle abrite et protège les nymphes qui en font la demande et crée autour d’elle un havre de paix, prospère et sécuritaire. S’il arrive que certains satyres aventureux s’approchent suffisamment des limites pour observer au loin ses protégées, aucun ne se risque à pénétrer ce territoire. Nulle n’en ressort vivant…
Les yeux couleur ambre rivés au loin, les oreilles aux aguets, Il observe avec insistance la danse des jeunes nymphes. Au coin de ses lèvres, un léger filet s’écoule. Il trépigne, s’agite et fini par commettre l’irréparable dans un simple mouvement vers l’avant. Passé le grand chêne, rien ne se passe. Ne serait-ce alors que mensonge ? Le bruit de ses sabots éveille une belle endormie qui, voyant l’hideuse créature approcher, laisse s’échapper du plus profond de sa gorge un cri d’effroi. L’alerte est donnée et le monstrueux satyre n’a déjà plus aucune chance de survie. Il a beau courir à perdre haleine, se cacher au fond d’une grotte, les racines finissent par lui encercler les jambes et les lui tordre comme on tordrait un chiffon. C’est son cri à présent qui retenti au loin, celui d’une douleur incommensurable. Les os broyés, il s’effondre sur la roche froide. L’écho de son souffle saccadé est presque surhumain. Il peine à se redresser lorsqu’il ne sent plus l’étreinte de la Terre sur ses pattes. Il cherche du regard quelque signe de miséricorde mais trouve pour seule réponse deux grands yeux froids luisants dans l’obscurité. Ils s’approchent tandis qu’un vent froid prend le satyre à la gorge, le paralyse. Sa vision se trouble lorsqu’il aperçoit enfin la silhouette de Thanatos, personnification de la mort elle-même. C’est dans un dernier cri de frayeur que le souffle du satyre s’arrête, net. Silence.
De l’autre côté de la frontière, son roi l’attend. Aidôneus a laissé derrière lui son char fait d’os et d’ombre. Leur parcours a été interrompu par l’aura d’une mort imminente. C’est une tout autre aura qui attire bientôt son attention. Une odeur douce et épicée lui caresse le nez. Les clapotis de l’étendue d’eau de l’autre côté du grand amandier attise sa curiosité. Hadès y risque un coup d’œil et aperçoit au loin une créature fabuleuse.
Sa peau est sombre comme la terre, ses yeux doux comme des pétales de rose. Ses cheveux descendent en cascade le long de son cou jusqu’à la naissance de ses reins. Ses éclats de rire cristallins lorsqu’elle s’éclabousse elle-même réveillent au plus profond du roi une boule de chaleur rassurante qui rapidement devient enivrante avant de le brûler de l’intérieur. Cette sensation insoutenable le met en rage. Ses chevaux derrière lui s’agitent et Hadès met fin à cette tentation en y cédant. La pauvre pousse un cri de surprise mais il est déjà trop tard lorsque les nymphes plus loin l’entendent. Coré a tout simplement disparu…
Par la force du destin Coré devient Perséphone, reine des Enfers. Elle y règne aux côtés de son époux, le roi Hadès. Durant quatre mois elle demeure au palais bordant les Champs Elysées et remonte à la surface de la Terre pour les huit autres mois de l’année où elle redevient « la jeune fille » auprès de sa mère. Cette situation, elle s’en accommode avec brio. Elle est une reine dure et inflexible, traité ici-bas sur le même pied d’égalité que son époux. Sur Terre elle est la déesse du printemps, celle qui apporte la joie dans le cœur de Déméter et l’aide à faire fleurir le monde. Coré et Perséphone sont les deux faces d’une même pièce.
Les nymphes qu’elle a connu enfant grandissent. D’autres les rejoignent, le ventre parfois arrondi. Coré connait les premiers pas et les premiers mots de certaines jeunes pousses, elle les voit grandir et s'épanouir et un désir secret enfle dans ses entrailles. Il y a une ombre au tableau, et pas des moindres. Aucune graine ne pousse aux enfers et celle qui cherche à germer au sein même de la déesse du printemps n’y fait pas exception. Perséphone, fille de la déesse de la fécondité, demeure stérile. Son corps est incapable de lui offrir ce que désire son cœur.
Cinq ans passent, cinq années au printemps terne. Ce n’est que lors de sa sixième année dans les jardins verdoyants de Déméter que Coré voit son ventre s’emplir de la pousse qu’elle a tant désiré. Le chagrin fait place à la joie tandis que durant 8 mois elle enfle. Elle retourne aux Enfers persuadée qu’elle y donnera la vie. Le cœur plein d’espoir et la tête pleine de conseils. Mais son état demeure le même durant quatre mois. Elle ne sent plus rien au fond d’elle, plus la moindre secousse, plus le moindre petit coup de pied. L’inquiétude lui donne des sueurs froides. Hypnos veille à ce que ses nuits soient paisibles, les moires cherchent inlassablement des explications mais le cas de Perséphone est sans précédent. C’est finalement Thanatos qui lui donne un début de réponse. Dans son ventre il ne sent ni vraiment la vie, ni vraiment la mort. La petite créature qu’elle abrite est bien là mais son existence elle-même reste un mystère.
- Aucune plante ne pousse aux Enfers…Le quatrième mois touche à sa fin et vient le temps pour Perséphone de retourner parmi les vivants.
A peine a-t-elle posé le pied sur le sol de sa mère que son ventre la tord de douleur. Coré donne naissance au milieu des fleurs, d’une petite fille qui pousse un éclat de rire plutôt que de pleure. Sa peau encore froide de la mort se réchauffe petit à petit sous le regard bienveillant d’Hélios.
« Ainsi naquit Macaria. »Anomalie, contre-nature, étrangeté, bizarrerie. On lui trouvent bien des noms. Enfant de malheur, créature de mort et de vie. Macaria est d'avantage à sa place aux Enfers. Là-bas elle est Exception, miracle, prodige, merveille. Les juges voient en elle une jolie créature à préserver. Les jumeaux Thanatos et Hypnos la prennent sous leurs ailes, lui montre les lieux les plus fabuleux des souterrains. L'un s'assure que lors de ses passages sur Terre, aucun mortel ne puisse l'approcher et lui porter atteinte. L'autre veille à lui procurer les plus doux rêves et à garder sa curiosité affutée. Macaria grandit ainsi. Protégée des plus grands, appréciée des plus voraces. Cerbère pour animal de compagnie, les Érinyes pour amies, la princesse est décidément peu commune. Lorsqu'un jour, elle échappe à la surveillance de toute âme vivante et s'aventure dans le pré de l’Asphodèle. Ici peu en réchappe indemne et pourtant... Alors qu'on s'inquiète d'elle, qu'Hadès lui même vient la rechercher, il constate un phénomène pour le moins étrange. Si d'ordinaire les âmes des défunts cherchent à se raccrocher au moindre signe de vie, capables de déchiqueter le corps encore chaud d'un mortel qui s'y risque, Macaria elle s'y balade comme elle le ferait aux jardins de Déméter. Aucune âme ne s'y accroche, aucune âme ne la remarque.
« Fantôme parmi les fantômes, ni morte ni vivante, Macaria l'ombre... »Lorsque la princesse infernale se rend sur Terre, dans le refuge de sa grand-mère, elle côtoie des âmes bien vivantes cette fois. Les nymphes deviennent ses nourrices, s'assurent qu'elle ne manque de rien. Ici aussi elle est gardée précieusement à l'abris des regards mortels et divins. Seul Hélios est autorisé à poser ses yeux sur la jeune déesse. Comme il l'a vu naître, il la voit grandir. La petite pousse continue son ascension et devient peu à peu une belle fleur. Son corps change et sa grand-mère commence à voir en elle d'avantage de Coré que d'Hadès. Leur relation s'améliore et Déméter prend une place de plus en plus importante dans sa vie. Macaria devient son nouvel espoir, son trésor et son héritière. Si la mère s'est émancipée un quart de l'an auprès du roi des Enfers, Macaria elle pourrait bien devenir sa petite-fille modèle. Ne fais pas ça, souris, dis merci, agis comme ça, ... Macaria semble condamnée à devenir la plante verte de sa grand-mère. Mais Macaria tient de ses deux parents et Hadès est loin d'être docile.
La jeune déesse profite de l'inattention de sa grand-mère pour s'évader des jardins lorsqu'elle lui rend visite. Elle est pleine de rêves et l'un d'eux est de découvrir les contrées mortelles telles que les lui ont contés les morts. Mais une princesse qui a toujours profité de protection rapprochée qui s'aventure seule dans un lieu aussi inconnu et hostile que celui des hommes n'est pas bon signe...
✞ “You musn’t be afraid of the dark.’
‘I’m not,’ said Shadow. ‘I’m afraid of the people in the dark.” ✞ Le coeur palpitant à toute allure, menaçant de lui sortir de la poitrine. Dos collé sur la paroi froide d'une roche humide, elle se cache. Elle aimerait à nouveau être l'ombre du royaume des morts, celle qu'on ne remarque pas, celle qui passe inaperçu au moins à ses yeux à lui. Elle supplie pour un peu d'aide, espère à tout instant voir sortir des entrailles de la terre la truffe rassurante de son chien adoré. Mais Cerbère est bien loin, probablement occupé à garder l'entrée des Enfers. Elle entend déjà d'ici sa grand-mère.
- Je te l'avais bien dit, on ne peut pas leur faire confiance et à toi non plus... Pauvre petite créature, tu ferais mieux de rester avec moins... à jamais.
Cette voix raisonne dans sa tête jusqu'à ce qu'elle en entende l'écho sur les pierres autour d'elle. Serait-ce réel ? Elle ne l'imagine pas, elle en est sûre. Cette voix elle l'entend bien ! Elle hésite et ose un regard par dessus son abri de fortune. Ce n'est pourtant pas Déméter qu'elle voit. Elle croise le regard qu'elle fuyait. Il lui glace le sang et la fige sur place. La peur la tiraille, ses jambes sont flasques et elle chute sur place. Le sol n'a jamais été aussi proche d'elle qu'à cet instant.
Il continue d'avancer vers elle, un sourire carnassier au coin des lèvres. Elle n'est pas très sûre de ce qu'elle voit, sa silhouette est floue à contre-jour.
- Ne... ne m'approchez pas ! Qui que vous soyez, pas un pas de plus !
Son courage l'étonne elle-même. Ce sont pourtant bien ses mots qui sortent de sa bouche. Le bras tendu, comme s'il suffirait à stopper son poursuivant, elle attend. Figée comme une statue grecque, elle n'a pour elle que l'espoir. Contre toute attente et par le plus grand des miracles, son souhait est pourtant exhaussé. Après des secondes qui lui semblent des heures, il s'abaisse. Elle peut enfin apercevoir son visage. Il est étonnement encore plus effrayant. Elle hoquette de terreur, sent son coeur faire un nouveau bond et s'arrêter net. Un frisson la parcourt tandis qu'il avance un bras vers elle et lui effleure la joue du bout des doigts.
- Souris.
Elle esquisse un sourire crispé par la peur.
- Mieux que ça.
Son instinct de survie lui dicte d'obéir. Elle essaye du mieux qu'elle peut mais n'y parvient que sommairement.
L'expérience de la peur fut sa première expérience du monde extérieur. Il en faut pourtant beaucoup pour effrayer une enfant des Enfers. Mais la peur a ses forces propres, celles de réveiller au plus profond de vous des instincts de survie jusqu'alors insoupçonnés mais également de vous doté de courage. Pour Macaria, la peur est le premier sentiment à lui faire autant battre le coeur et l'occasion de comprendre ce que les morts vivent en rencontrant Thanatos, la mort brutale.
La jeune déesse retournera plusieurs fois à la surface pour découvrir le monde. Elle s'attache peu à peu à ce qu'elle y découvre. Si la peur peut pour certains être un frein, pour la fille d'Hadès elle s'avère être un tremplin. Ce sentiment étrange elle le déteste autant qu'il lui donne des ailes. Au fil du temps et sortie après sortie, les moires lui promettent un destin tout particulier.
Princesse des Enfers prise sous les ailes de la personnification de la mort. Il n'en faut pas plus pour que sa fonction tombe. Déesse des morts, rien que ça ! Si sa mère porte déjà ce titre, le sien est différent. Macaria a pour mission d'aller chercher les morts heureux, ceux tombés glorieusement au combat ou pour qui la mort est une délivrance. Déesse des valeureux et des suicidés, voila sa destinée. Elle est celle qui apporte le dernier souffle de joie.
« Macaria la bienheureuse. »Le débat est long mais son père a le dernier mot devant Déméter. Elle est autorisée, dans le cadre de sa fonction, à parcourir le monde mortel à sa guise. Elle a grandi et si elle possède la fraicheur de la jeunesse, elle n'est clairement plus une enfant. Elle se rend sur les champs de bataille pour y recueillir le dernier souffle des guerriers, elle y croise d'ailleurs quelques fois la peur précédent le char d'Arès. Si les dieux aiment jouer avec les mortels et prendre position dans leurs querelles, Macaria elle est aussi neutre que la mort elle-même. Elle est pour les humains la dernière présence rassurante. Son sourire apaisant leur promet que tout ira bien à présent. Terminé la souffrance, vous voilà bienheureux. Beaucoup prient son arrivée, leur corps ne pouvant plus supporter la douleur du combat.
Des années à voyager et côtoyer les mortels ça vous change un dieu. Elle est bienveillante et apparait aux yeux de ses protégés comme une véritable aubaine. Les rois ou les pauvres, elle ne fait aucune distinction. Elle se montre où elle doit se montrer et béni ceux qu'elle doit bénir. Si les Grands de ce monde espèrent la rencontrer pour leur dernier sommeil, il est cependant rare que leur mort soit aussi douce qu'ils l'aimeraient. Macaria préfère de toute façon la compagnie des humbles, ceux qui acceptent la mort comme une évidence, une vieille amie et non ceux qui se pensent au dessus des lois même les plus élémentaires. Résister à la mort ? Lui échapper ? Vivre éternellement ? Thanatos est un fin chasseur et nulle homme ne peut lui fausser compagnie, ou presque... mais ceci est une toute autre histoire.
Les années défilent, les décennies se succèdent et la jeune déesse est confronté jour après jour à la triste réalité. Le destin n'est pas toujours des plus cléments, il s'avère même souvent injuste. Combien d'enfants en bas-âge ou de femmes battues n'a-t-elle pas dû emporter ? Les mauvais survivent toujours un peu plus, laissant dans les bras de la mort paisible ceux qui enfin sont délivrés de leur emprise. Si seulement elle pouvait décider elle-même de leur envoyer Thanatos aux trousses, si seulement elle pouvait ordonner à Hypnos de terroriser leurs nuits, si seulement les moires pouvaient couper net leur fil ? Mais elle n'en a pas le droit. Le destin est seul maître de ce qu'il adviendra d'eux. Alors elle se tait, son sourire s'efface légèrement lorsqu'elle vient à la rencontre de ces histoires. Elle fait ce qu'elle fait de mieux, accueillir ces âmes et espérer pour elles un jugement correct. Parfois, lorsqu'elle voit finalement un agresseur emporté dans les Champs du châtiment, un tout autre sourire se dessine au coin de ses lèvres, celui de la justice rendue.
Le destin est également en cela injuste qu'il laisse derrière les défunts des âmes en peine, des familles entières qui pleurent leurs morts à vous en briser le coeur. Cris déchirants, larmes par torrents, le spectacle vous gorge d'émotions qui gonflent dans votre cou et vous bloque la respiration. Macaria lâche parfois une larme devant tant de détresse. Une fois de plus elle aimerait agir autrement, apporter aux vivants soulagement sans devoir attendre la mort mais cela ne relève malheureusement pas de ses compétences. Alors elle n'a d'autres choix qu'être témoin de toute cette peine qui englobe la plus douce mort possible. Certains mortels la maudissent, peu importe qu'elle soit paisible ou non. Thanatos ou Macaria, quelle différence pour ceux qui restent ?
Tristesse, chagrin, questionnement sur le monde qui l'entour. La souriante déesse sombre peu à peu dans un état nouveau. Incompréhension, déception se transforment bientôt en dépression. La vie d'une divinité de la mort est ainsi faite. Vie de mort, il fallait s'en douter.
Macaria est la plus jeune des dieux de ce domaine. Si Thanatos, éternelle présence bienveillante à son égard ne manque jamais de chercher à lui arracher un sourire ou deux, il doit bien se rendre à l'évidence qu'il ne suffit plus. C'est un autre ami fidèle qui lui apportera un peu de rayon de soleil. Hermès, dieux des voyageurs, lui fait découvrir d'autres contrées plus lointaines. C'est au fin fond de l'Egypte qu'elle fait la connaissance de la première divinité issue d'une autre mythologie. Anubis se montre avenant avec elle, lui offre l'hospitalité et voit en elle ce que les autres dieux des morts verront plus tard : une petite soeur. La princesse découvre au fil de ses voyages que le monde des morts est bien plus vaste qu'elle n'aurait jamais pu le soupçonner. Thanatos, Anubis, Ah Puch ou encore Hel deviennent ses alliés, sa nouvelle famille. Les dieux funestes doivent se serrer les coudes. Rejetés par les autres immortels pour leur singularité, craints par les mortels pour d'évidentes raisons, ils ne peuvent compter que sur eux même pour se remonter le moral, se soutenir et se comprendre. Macaria incarne un aspect positif de la mort, il serait dommage que la mort heureuse perde sa principale caractéristique.
« Macaria, princesse des Morts. »Bien qu'émancipée, Macaria reste la petite princesse de ses parents. Elle entretient avec son père une relation faite de respect et d'admiration. Il est le roi du monde souterrain, son patron mais fait preuve de favoritisme plus qu'évident envers elle. Tout le monde souterrain fait preuve de favoritisme à son égard... Avec Perséphone, c'est une autre histoire. Pendant un temps distantes, elles se sont petit à petit retrouvées l'une l'autre. Loin d'être fusionnelle, leur relation est équilibrée. Déesses des morts, enfants du printemps, elles partagent de nombreux points communs. Perséphone aime lui raconter sa première rencontre avec Hadès et, contrairement aux récits sur leur histoire, elle n'omet pas de lui conter la première fois qu'elle, Coré, l'a vu. Un rajout à l'histoire d'origine qui change toute la donne.
Alors jeune femme prisonnière des jardins de sa mère, c'est Coré elle même qui a aperçu le dieu en premier et non l'inverse. Ce n'était pas la première fois qu'il se rendait aux alentours des jardins et ce n'était surement pas la première fois que Coré s'aventurait si loin du regard de sa mère... Coup de foudre, lubie de jeune femme dans la fleur de l'âge, simple crush ? Appelez ça comme vous voudrez. Le fait est que c'est l'esprit déterminé de la jeune déesse qui l'avait poussé à jouer un tour au dieu des morts. Une nymphe et un satyre pour distraire la mort et la fécondité et à elle le champs libre pour approcher des frontières du refuge. Cette histoire de lutte de séduction, de manipulation et de pouvoir du genre féminin, Perséphone aime le raconter à sa fille, lui rappeler que les déesses, aussi mineures soient-elles dans la hiérarchie et en matière de dons valent bien plus que le plus grand des dieux. Les moires, les érinyes, Perséphone, Hécate, Nyx et maintenant Macaria, femmes de pouvoir des Enfers.
Entourée des meilleurs, l'existence ensevelie d'amour, Macaria retrouve doucement le sourire. Ses phases de déprime profonde reviendront par petit à-coups la rappeler à l'ordre mais elle sait qu'elle peut compter sur ses proches, qu'ils soient de sang ou non, pour la maintenir à flot. A plusieurs ont est toujours plus fort parait-il.
☥ “Death is not a debate. How many do you think have come before you, all with promises and threats and offers of glory, gold, and love? Who are you to misguide me from my duty? You are but a man, not even one I should remember. You will go into the darkness and I will forget ever having met you.” ☥ Couronnes de fleurs, musique douce et mélancolique, veuve au visage en larme. Une cérémonie de plus ou de moins ne devrait pas tant les atteindre que ça mais l'émotion est toujours aussi envahissante. Macaria observe la scène de loin, attendant les instructions d'Anubis pour passer à la suite de la cérémonie. C'est à présent son quotidien depuis un mois déjà. La déesse de la mort heureuse console les survivants. Formules toutes faites, sourire doux de circonstance, mouchoir tendu. Elle en voit passer des visages tristes et perdus ici, aux pompes funèbres d'Anpou.
Les émotions ça vous dévore, ça vous pompe votre énergie et vous en ressortez épuisé. Si elle n'est pas en proie à la même tristesse que les visiteurs, Macaria a l'empathie pour malédiction. Elle ne peut s'empêcher de partager la peine des autres. Les émotions remplissant la bâtisse l'atteignent aussi, la forçant à prendre sur elle le temps des cérémonies. Elle se contentait d'amener les morts bienheureux aux Enfers, ce qu'il se passe chez les mortels après ça ne l'a jamais vraiment concerné et pourtant, la voilà à devoir gérer cette partie, par choix. Alors le soir, lorsque les lieux sont vides et que seuls les craquements du bois se font entendre dans ce silence pesant, elle part rejoindre la chambre de son ami, blottir ses pieds froids contre ceux d'Anpou et chercher un peu de réconfort dans la chaleur d'un autre divin.
San Francisco est un lieu bien étrange et ce qui l'a amené jusqu'ici reste un mystère. Une mort imminente, un besoin d'être auprès de son ami le plus proche ou simplement l'attrait du surnaturel pour le surnaturel ? Le fait est qu'elle se mélange aux mortels pour un temps du moins. Si elle interagit avec eux, elle évite cela dit de se mêler de leurs affaires et de changer leur destin.
Longs cheveux bouclés le plus souvent détachés, sourire toujours présent au coin des lèvres, la jeune déesse aborde son apparence à l'exception près qu'elle parait humaine. Elle prend garde à ce que sa poitrine batte constamment. Lorsqu'elle dort il lui arrive que son coeur s'arrête mais par chance il n'y a jamais grand monde pour s'en rendre compte. Auprès des humains qu'elle côtoie à présent elle est Joyce Rodi, une jeune femme venue s'installer en ville. Elle loge à l'étage supérieur de l'agence de pompes funèbres et profite de ses journées libre pour se promener dans les rues de la ville, faire les magasins et planter ses orteils dans le sable sur la plage.
Il n'est pas rare de l'apercevoir jouer aux échecs dans le parc avec des personnes âgées ou de rendre visite bénévolement dans les maisons de retraites ou en soin palliatif. Certaines personnes qui perdent la mémoire la prennent pour leur fille. Dans ces moments là, Joyce se contente de leur sourire et de partager un moment heureux avec eux. Elle sait combien ces moments sont précieux et entendre leurs rires vaut tout l'or du monde.